Publié par Louis

Le soleil s’est couvert d’un crêpe. Comme lui,
Ô Lune de ma vie ! emmitoufle-toi d’ombre ;
Dors ou fume à ton gré ; sois muette, sois sombre,
Et plonge tout entière au gouffre de l’Ennui ;

Je t’aime ainsi ! Pourtant, si tu veux aujourd’hui,
Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,
Te pavaner aux lieux que la Folie encombre,
C’est bien ! Charmant poignard, jaillis de ton étui !


Allume ta prunelle à la flamme des lustres !
Allume le désir dans les regards des rustres !
Tout de toi m’est plaisir, morbide ou pétulant ;

Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ;
Il n’est pas une fibre en tout mon corps tremblant
Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t’adore !

Charles Baudelaire, Le Possédé, Les Fleurs du mal (1857)

L’Homme nourrit l’objet de sa chute © Louis

 

L'AVEUGLÉ LUCIDE

 

Ô toi qui m'empoisonnes de ton bonheur,

Toi qui devances fort toute concurrence,

À qui je donne toute ma reconnaissance,

Celle pour qui j'ai souffert de si délectables pleurs !

 

Enfant du diable qui occupe mes heures,

Ô toi démon pour qui j'éprouve une triste plaisance,

Je suis tant attiré par ta répugnance

Que pour jouir de ta tendre violence je m'use de labeurs !

 

Tu me tues comme tu me fais vivre,

Ton amour me rend ivre,

Quand à tes côtés je me noie dans les ténèbres !

 

Je me sens plus que jamais libre,

Il y a tant de choses que j'aimerais te dire

Avant que tu ne me pousses à briser mes vertèbres !

 

Tag(s) : #fleurs du mal, #1G2
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