Publié par Camille
« Cette photographie, ta dernière, je l’ai laissée sur le mur, où tu l’avais mise, entre les deux fenêtres, Et le soir, recevant la lumière, je m’assieds, sur cette chaise, toujours la même, la regarder, où tu l’as posée, entre les deux fenêtres,
Et ce que l’on voit, là, recevant la lumière, qui décline, dans le golfe de toits, à gauche de l’église, ce qu’on voit, les soirs, assis sur cette chaise, est, précisément,
Ce que montre l’image laissée sur le mur, sur le papier brun sombre du mur, entre les deux fenêtres, la lumière,
Avance, en deux langues obliques, coule, dans l’image, vers le point exact où le regard qui l’a conçue, le tien, a conçu, de verser indéfiniment de la lumière vers qui, moi, la regarde,
Posée, au cœur, de ce qu’elle montre,
parce qu’en ce cœur, le cœur de ce qu’elle montre, que je vois, il y a aussi, encore l’image elle-même, contenue en lui, et la lumière, entre, depuis toujours, depuis le golfe de toits à gauche de l’église, mais surtout il y a, ce qui maintenant manque
Toi.
Parce que tes yeux dans l’image, qui me regardent, en ce point, cette chaise, où je me place, pour te voir, tes yeux,
Voient déjà, le moment, où tu serais absente, le prévoient, et c’est pourquoi, je n’ai pas pu bouger de ce lieu-là. »
Jacques Roubaud, "Cette photographie, la dernière", Quelque chose noir (1986)
© Camille
Revivre
Je refuse de croire qu’elle a emporté
La seule que j’aimais et qui me comprenait.
Toi qui ne survis que grâce au Déni, si cher,
Me laisse à ma colère avec un goût amer.
Si seulement elle avait pu me choisir, moi,
Je n’aurais pas eu à devoir vivre sans toi.
Elle ne part plus cette affreuse souffrance,
Je suis contraint de supporter ton absence.
Le vide laissé se remplit de souvenirs,
Les évoquer m’aide à trouver le sourire.
Ton absence imposée n’est que provisoire,
Nous nous retrouverons un jour, je garde espoir.
© Camille