Publié par Stevann

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

— L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
— Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres :

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde — vous savez, c’est de la contrebande ; — […]

Arthur Rimbaud, « A la musique », Cahier de Douai, 1870

« À la musique » est poème d’Arthur Rimbaud, où le poète décrit de façon satirique les habitudes de la bourgeoisie, dans un square où l'on vient écouter l'orchestre et se montrer.

Le tramway dublinois © Stevann

 

Au plus fort de l’été dublinois sous la pluie,

Sur un des quais de la capitale dans la nuit,

À l’approche du train les passagers s’agitent,

Pour sortir de cette ville cosmopolite.

 

Et très vite les vieilles banquettes vertes

Se creusent sous le poids des voyageurs alertes,

Qui, murés dans leurs pensées de fin de journée,

Par la musique du train se laissent bercer.

 

Bientôt les murs de briques rouges disparaissent

Et enfin les formes des montagnes apparaissent.

En même temps, dans le couloir assourdissant,

Les pénibles enfants jouent et crient en courant.

 

Sur un siège, une vieille femme guindée

Est distraite d’un œil par un jeune blondinet

Qui, de ses prétendus charmes, appelle le sourire

D’une jolie demoiselle qui ne sait que dire.

 

- Moi, je préfère la montagne qui se dresse

Et je fais fi de la donzelle aux longues tresses.

Sans cesse la mer ondule sur les galets ;

La vieille a les yeux rivés sur le blond minet.

 

Tag(s) : #cahier de douai, #1G2
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